Strasbourg, le 21 Mai 1996
Mesdames et Messieur les députés,
Permettez-moi d'abord d'exprimer ma gratitude pour les organisateurs de cette rencontre, notamment Madame Izquierdo Rojo dont l'invitation est pour moi un grand honneur.
Je me dois d'emblée de vous dire que les conditions de mon séjour ont toujours constitué une contrainte sérieuse quant à l'exercise de ma liberté d'expression. C'est peu dire aussi que ma présence parmi vous aujourd'hui ne s'est passée sans heurts tant il est vrai que mon discours politique ne conicide pas avec le discours dominant d'une certaine diplomatie, érigée en pensée unique, qui veut décrire le Liban come un pays retourné à la paix. Le seul discours que l'on tolère est celui de la reconstruction. Tout autre language articulé autour de la souveraineté et de l'indépendance est assimilé à un jusqu'au boutisme sinon à un facisme destructeur.
Or, s'il est une leçon que les derniers évènements nous enseignent, c'est qu'aucune paix n'est possible en dehors de la liberté. Aucune sécurité qui ne soit l'expression d'un Etat souverain et affranchi. Aucune reconstruction à l'ombre de l'Occupation.
L'OCCUPATION DU LIBAN
Vous parler de la situation au Liban, c'est avant tout rappeler une réalité incontournable que l'on ne dira jamais assez et c'est en vain que l'on essaie d'escamoter l'Occupation du Liban. J'entends sa double occupation par Israel et la Syrie dont les visées hégémoniques sur son territoire et ses resources naturelles ne datent pas d'hier. C'est au rythme de leurs relations que vit le Liban, traversant au fil des jours qui nous séparent de la paix, si tant est qu'elle advienne et qu'elle soit juste et durable, des périodes de détente puis de recrudescence militaires.
Dans la meilleure hypothèse, ces deux voisins entretiennent sur la scène libanaise une guerre au moindre frais; dans la pire, ils calculent un accord tacite pour se partager le pays des Cèdres croyant ainsi resoudre des dossiers aussi épineux que celui des réfugiés palestiniens ou celui des resources hydrauliques. Dans les deux cas, c'est le peuple libanais qui paye de sa chair et son sang, le prix d'un conflict qui lui est intrinsèquement étranger. Hier victime de la guerre des autres sur son territoire, le voilà aujourd'hui essuyant les avatars de leur paix.
La libanisation, terme ô que cynique mais qui appartient désormais au jargon des sciences politiques, n'est rien moins qu'une version de l'ethnostratégie qui consiste à monter les groupes communautaires les uns contre les autres de façon à maintenir un foyer de troubles au moindre coût pour éviter l'extension des guerres. Telles est l'approche "moderne" de la résolution des conflits. Et voilà le sens des événements au Liban.
Cependant, faut-il le rappeler du point de vue du droit, la question libanaise est indépendante du conflit israélo-arabe. Les resolutions 425 et 520 du Conseil de Sécurité, l'une appelant au retrait inconditionnel d'Israel, l'autre mentionnant explicitement le souhait du gouvernement libanais d'obtenir le départ de toutes les troupes étrangères, constituent le cadre nécessaire à un règlement définitif de la crise. Cependant, depuis leur vote, ces résolutions sont restées lettre morte.
Mais qui ose aujourd’hui dénoncer le forfait et appeler à un retrait inconditionnel et simultané des troupes syrienne et israéliennes? Seule l’Assemblée Spéciale du Synode des Evêques pour le Liban tenue au Vatican à eu le courage de le faire. Hier, au plus fort de la crise, le President Clinton n’a manqué ni d’audace ni de clairvoyance en reconnaissant que seul le retrait de toutes les troupes étrangères du Liban serait de nature à mettre un terme définitif au cycle de violence et asseoir les bases d’une paix réelle.
LE POMPIER PYROMANE
Comme je le soulignais dans un article publié récemment dans le journal "Le Monde", la Syrie remplit au Liban le rôle de pompier pyromane. C'est elle qui instigue les conflits pour se voir confier la charge de les éteindre. Des les années 70 et de l'aveu même de son président, la Syrie assiste, sur le territoire libanais, la lutte armée palestinienne qui sera le facteur déterminant dans le déclenchement de la guerre. Quelques années plus tard, prétextant le contrôle de ces milices palestiniennes et sous le couvert de la "Force de Dissuassion Arabe", elle déploie ses troupes au Liban pavant la voie à sa mise sous tutelle. Dans les années 80, donnant à l’Iran de Khomeiny une tête de pont sur les bords de la Méditerranée, elle prête main forte aux mouvements integristes qui prirent en otage nombre de civils occidentaux qui, sous sa houlette, seront libérés quelques années plus tard.
Aussi, le régime syrien préparait de longue main la dislocation de l'entité libanaise fondée sur un delicat équilibre communautaire. C'est ainsi qu'il est porté responsable de l'assassinat de l'ambassadeur français Louis Delamare pour avoir réussi une tentative de rapprochement entre les différentes factions libanaises et du chercheur Michel Seurat qui à exposé au grand jour les mécanismes de fonctionnement du régime syrien ou ce qu'il appelait l'Etat de barbarie. C'est avoir la mémoire courte que d'oublier l'implication de ce dernier dans la liquidation de différentes personnalités intellectuelles et politiques qui ont marqué leur attachement à l'indépendance du Liban et ils sont légion.
LA DIPLOMATIE OCCIDENTALE: L'INDIFFERENCE OU LA CAUTION
Le régime syrien réussit à transformer le Liban en un bourbier où foisonnent les intégrismes de toutes sortes, une sorte de quarantaine que fuyaient les démocraties occidentales de peur de s'y voir enliser. Quelle démocraties eût été prête, surtout à la veille d'échéances électorales à courir les risques de représailles menées par des organisations terroristes?
Cette stratégie syrienne n'aurait pu se déployer sans une certaine attitude de laissez-faire qui caractérise le nouvel ordre international. Le droit était sacrifié au détriment d'intérêts financiers à court terme et le sort du peuple libanais était lié à d’autres impératifs que ceux qui découlent de son droit fondamental à l'autodétermination. Comment peut-on oublier le regain d'intérêt pour le Liban à la veille d'échéances électorales et puis l'indifférence affichée au lendemain du scrutin?
Rien n'était plus nocif que la politique qui visait moins à trouver un règlement definitif à la crise qu'à redorer le blason terni d'une diplomatie, ou à se deculpabiliser à bon compte sous la pression d'une opinion publique alertée par l'ampleur du drame. C'est qu'en dehors des declarations de principe, les efforts déployés ne dépassaient jamais le cadre d'un cessez-le-feu ou d'une assistance humanitaire.
L'action humanitaire d'Etat comme des tentatives de normalisation quoique louables et nécessaires ne doivent pas detourner les nécessités d'une action réelle car s'attaquant aux effêts plutôt qu'aux causes, elles risquent de prolonger les conflits at par là-même les misères qu'ils engendrent. La passivite de la diplomatie occidentale que dénoncait l'absence de determination dans la recherche d'un règlement définitif de la crise, plongeait le Liban dans la nuit de l'indifférence et constituait de ce fait une caution au forfait. Rien ne pouvait désormais entraver l'occupation dans ses sombres desseins.
Mais cette passivité laissait place par moment à une complicité non moins cynique. N'a-t-on pas livré le dernier reduit libre du Liban à la Syrie en contrepartie à l'alliance contre l'Irak? Et ne passe-t-on aujourd'hui sous silence son occupation du Liban et l'hypothèque de ses institutions, croyant de la sorte la maintenir dans le sillage de la paix?
Que l'on ne se trompe point. Ce n'est que contrainte, que la Syrie s'est rendue à la conference de Madrid alors que plus que jamais, son ultime pari est de renverser le processus de paix comme en plaident son alliance avec l'Iran et son soutien aux mouvements ennemis de la paix.
Cependant, force est de constater que la conférence de Charm El Cheikh, traçant une frontière nette entre ceux qui veulent la paix et ceux qui la refusent, consacre la fin de ce jeu syrien fait d'ambiguité et de contradictions qui cache mal une position résolument contre la paix.
LES RAISINS DE LA COLERE
C'est dans cette perspective historique que l'ont doit situer les recents événements qui ont ensanglanté le Liban. Offrant armes et munitions au Hezbollah, le régime syrien voulait à la fois contenter son allié iranien, tirant plein avantage de son hostilité fondamentale à la paix, et s'octroyer une carte supplémentaire à la table des négotiations avec Israel.
Mais aussi, fidèle à son role de pompier pyromane, le régime syrien visait également à placer en face de l'armée libanaise un dispositif militaire qu'il n'hésiterait pas à dresser contre elle et s'imposer en arbitre incontournable de l'arène libanaise. Il introduit ainsi une brèche dans les "accords" de Taef dont l'une des clauses stipule pourtant le démantèlement de toutes les milices.
La thèse selon laquelle le Hezbollah symbolize la résistance et partant, ne peut être démilitarisée, est dénuée de tout fondement du moment que ce dernier recevant soutien et commandement de l'Iran est par là-même une atteinte à la souveraineté de l'Etat et partant, une forme d'Occupation étrangère. En tenant de tels propos, les autorités libanaises ne sont que l'écho de la voix syrienne et sont en totale contradiction. Car, si elles reconnaissent une forme de légitimité à l'activité de cette milice, on est fondé à se demander pourquoi ne prennet-elles pas à leur charge et autour de l'armée, la resistance à l'occupant.
En verité, il s'agit d'un conflit entre trois pays, la Syrie, l'Iran et Israel. Le Liban n'en est que le théâtre et le Hezbollah le prétexte. Une fois encore, c'est la guerre des autres sur notre territoire. Telle est la conséquence inéluctable de l'occupation.
Quelles que soient les considérations de sécurité qu'Israel met en avant, rien n'explique une réaction aussi démesurée, rien ne justifie le meurtre de tant d'innocents. Comment prétend-il faire pression sur le gouvernment libanais alors qu'il sait bel et bien que ce dernier complètement inféodé à la Syrie ne dispose de la moindre marge de manoeuvre. A quoi aurait servi cette operation sinon à détruire l'infrastructure du pays et à pousser des centaines de milliers à l'exode noyant le pays dans le sang.
LA SECURITE AUX FRONTIERES
Les récents propos de Monsieur Peres reconnaissant à la Syrie un rôle au Liban en échange de la sécurité aux frontières, suscite plus d'un doute. La stratégie incendiaire de la Syrie sera-t-elle ainsi récompensée? Si tel était le cas, le complot ourdi contre mon pays se présente en terme clair: c'est sur sa dépouille que se construira la "paix" de demain.
Si Israel revendique uniquement sa sécurité, s'il na aucune visée sur les eaux du Liban, s'il ne cache aucun accord tacite avec la Syrie au détriment du Liban et de l'intégrité de son territoire, il doit se retirer inconditionnellement des territoires qu'il occupe en application des résolutions du Conseil de Sécurité et, aussi paradoxal que cela puisse paraitre aux yeux des uns et des autres, appeler au retrait simultanée de la Syrie, créant les conditions de possibilité d'un Etat souverain et affranchi seul à même garantir la sécurité aux frontières.
Les derniers événements montrent à l'évidence combien est factice une sécurité sous-traitée à la Syrie et combien est illusoire, sinon cynique, de lui confier la mission de police de la paix. Celle-ci, du fait d'une double promesse contradictoire qu'elle à tenu à la fois à l'Iran et aux Etats-Unis et qui vient à échéance ne dispose plus de la même marge de maneuvre. D'autre part, la gigantesque machine de guerre israelienne aussi performante soit-elle, n'est pas de nature à contrecarrer une guerre de guérilla qui se livre hors de son territoire. Ces derniers raisins de la colère et leurs vendanges sanglantes l'ont cruellement prouvé. La sécurité ne peut être que le résultat du recouvrement de la souveraineté libanaise et l'institution d'une societé democratique et pacifiée. En prendra-t-on enfin de la graine?
L'initiative européenne à l'endroit du Liban est méritoire du moment qu'elle s'attache aux principes de souveraineté du Liban et se garde de confondre, ne serait-ce que sur le plan des tractations diplomatiques, les deux négociateurs libanais et syriens. Cependant, cette initiative est non moins délicate dans l'exacte mesure où elle risque à tout moment d'être subrepticement utilisée par la Syrie et l'Iran qui, profitant du différend entre européens et américains, réussiront à briser l'alliance conclue à Charm El Cheikh en faveur de la paix.
Aussi, afin de prévenir tout effet pervers ou toute récupération qui conduit à dissiper les chances de la paix et détourner cette initiative de ses objectifs initiaux, je me permets d'insister sur la nécessité d'agir en vue d'un retrait simultané d'Israel et de la Syrie et la mise en exergue de leur co-responsabilité dans tout développement ultérieur.
L'accord du 26 avril, ecrit mais non signé, représente cet unique avantage d'engager pour la première fois la responsabilité de la Syrie au Liban, ce qu'à toujours refusé cette dernière. Il est de toute urgence de barrer la route à toute tentative de le contourner. La difficulté actuelle à former le comité de surveillance découle de sa volonté de se désengager de toute responsabilité politique dans le but de garder intacte sa marge de maneuvre dans un pays qu'elle à subrepticement transformé en instrument de négociation.
LE LIBAN ET LES NEGOCIATIONS
L'accord du 26 avril, représente par contre l'inconvénient de tout règlement partiel, et laisse le Liban sous la coupe de l'occupant et en proie aux conflits régionaux. Ces derniers événements n'auraient eu lieu si les négociations de paix allaient bon cours, et si le Liban était présent en tant que partenaire à part entière à ces négociations de paix.
Or, sur la férule de l'occupant, le Liban fait figure de faux témoin, du moment qu'il ne dispose d'aucune liberté de décision. Hier encore, il était dans l'incapacité de repondre à la proposition israelienne de retrait. Le voilà à une heure cruciale de son destin, exsangue, condamné à rester en marge de son histoire.
De toutes les idées que peut inspirer l'esprit de la "realpolitik", la plus cynique serait celle de sacrifier le Liban pour résoudre les problèmes sur lesquels buttent les negociations de paix au Moyen-Orient: j'entends le problème des refugiés palestiniens, le Golan annexé et la répartition des resources hydrauliques. J'ai toutes les raisons de croire que le régime syrien, contraint de signer la paix, serait disposé à renoncer au Golan en contrepartie de sa mainmise sur le Liban.
LA SITUATION AU LIBAN: LIBERATION OU RECONTRUCTION
Le gouvernement libanais tient sa lourde part de responsabilité dans ce qui est advenue, du moment qu'il sert de caution à l'occupant et participe à la dénaturation de la cause du pays devant les instances internationales, entravant son sauvetage. Comment peut-on s'adresser à l'opinion international lui annoncant que le pays est retourné à la paix alors qu'il ploie sous l'occupation? Si la reconstruction du pays est une necessité que nul ne peut contester, quand elle occulte la realité de l'enjeu, elle devient une apologie de la collaboration et il est de toute justice de la dénoncer. Il est impératif de mettre à cette politique de l'autruche qui occulte l'essentiel voire l'Occupation, et dont le resultat est l'absence réelle du Liban en tant que partenaire à part entiere aux négociations alors que se décide l'avenir de la région.
Je ne m'attarderais point sur la priorité de l'action politique. Mais que l'on me permette cette analogie: quelle Europe aurait-on pu construire sous Hitler? Un plan Marshall eût-il été possible avant la libération? La construction européenne n'est-elle pas avant tout l'expression de volontés indépendantes et affranchies?
LES CONDITIONS DE PAIX
Voilà pourquoi je réitère mon appel à:
Dans ces revendications qui découlent de son droit fondamental à l'autodétérmination, le Liban ne trouvera meilleur appui qu'en Europe avec laquelle il partage des valeurs d'humanisme et de droit.
LE LIBAN ET LA MEDITERRANEE
Je continue de croire que le Liban préfigure le monde de demain et c'est à ce titre, que l'on ne peut être indifferent à son sort. Mosaique de cultures et de religions, il est cet espace unique à avoir inventé un modèle politique et social de convivialité, ce modèle, à mesure du haut pari qu'il tient, avait certes ses faiblesses mais a non moins reussi à devenir, quarante années durant, l'expression vivante du dialogue entre les cultures et de la tolérance entre les religions, avant de tomber sous la coupe d'un pragmatisme ravageur.
Tout ce que subit le Liban n'est que la conséquence d'une realpolitik qui consiste à sacrifier le droit et la justice au détriment d'intérêts financiers ou électoraux. Or, cette realpolitik, erigée en ideologie dominante, est etrangère à l'héritage culturel, historique et spirituel du bassin méditerranéen. Aujourd'hui plus que jamais, ce bassin méditerranéen doit se recentrer sur ses valeurs fondamentales pour maintenir le rang qui est le sien.
Nul n'ignore que le XXIème siècle consacrera le Pacifique comme centre de gravité économique de la planète. Que deviendra donc la Mediterranée? Sera-t-elle reléguée au ban de l'histoire? Cela dépendra de la volonté de ses fils et de leurs dirigeants à rester fidèles à l'idéal de droit et de justice qu'ils ont porté au monde, c'est à cette condition qu'ils maintiendront leur rôle dans l'histoire universelle du moment qu'ils sont les seuls à lui donner un sens.
Chèrs Compatriotes,
A Paris, berceau de la révolution, terre des libertés, vous voilà une foix encore reunis.
Paris, hier occupé, mais Paris, libéré par la resistance de ses fils qui ont choisi la voie de l'honneur et de la raison, est pour nous tous un symbole. C'est l'histoire d'hier qui temoigne de la vérité de notre combat et de la justesse de nos choix d'aujourd'hui.
Libanais Libres! Je vous salue et j'en appelle a vous tous:
Unissez-vous!
Unissez-vous contre l'occupant, qui a souillé la terre, violé notre souveraineté et arraché notre droit fondamental a l'autodetermination.
Unissez-vous contre les marchands d'illusions qui appellent "paix" ce qui n'est qu'une forme de servitude et dont l'action au quotidien a fini par dissoudre notre entité national. Le calme revenue, et dont on se targue, n'est rien moins que la tranquillité, affichée par l'occupant après avoir achevé son sombre dessein, ecrasant dans la nuit de l'indifference, le rêve d'un peuple et l'avenir de ses enfants.
Unissez-vous contre les chantres d'une reconstruction sauvage qui ont bradé nos richesses, dilapidé nos reserves et defiguré notre visage culturel. Le peu qui a été realisé, reste insignifiant par rapport aux dettes accumulées et a la lourde facture qui incombe au citoyen Libanais noyé dans le marasme et la misère.
Unissez-vous contre l'expropriation de notre capitale par les detenteurs de capitaux suspects, contre l'expropriation de notre citoyenneté a travers une loi de naturalisation qui a rompu de façon irreversible le delicat equilibre demographique sur lequel repose notre pacte national. Unissez-vous contre l'expropriation de notre liberté d'expression par le biais d'une loi sur l'audiovisuel qui vise a taire la verité et l'assujettir au discours officiel.
Les fausses promesses sont legion. Les declarations de principe en faveur du Liban fusent de toutes parts. La paix est à vos portes, disent-ils, et le Liban en recueillera les fruits. Et pourtant, la realité est de tout autre presage. Pris entre l'enclume israelienne et le marteau syrien, notre pays s'eloigne chaque jour du recouvrement de sa souveraineté national, condition sine qua non d'une paix juste et durable. Sous la ferule de la Syrie qui, par une serie d'accords signés depuis 1992, cherche a paver la voie a son absorption, notre pays est un enjeu des negotiations de paix au Moyen Orient, et non un partenaire. Tout porte a croire qu'il fera les frais d'une normalisation qui se fera a ses depens et quelle que soient les declarations des uns et des autres, seuls notre resistance et le soutien de nos amis qui ont compris que la liberte et la justice ne s'offrent pas à des compromis, pourront entraver le complot et permettre au Liban d'en sortir indemne. Aussi, je m'empresse de saluer la declaration finale du Synode pour le Liban, pour avoir temoigné de la verité, denoncé l'occupation et appelé haut et clair au depart de toutes les troupes etrangères.
Unissez-vous donc contre les faux prophètes qui, au nom du pragmatisme politique, nous invite a la plus folle des aventures, deniant ainsi l'histoire des peuples et leur aspiration legitime a la liberté et qui nous invitent aujourd'hui a renoncer a notre ultime droit, voire celui de refuser l'iniquité comme fait accompli.
C'est ainsi qu'on nous reprochait notre refus de participer aux elections de 1992, et dont les hautes instances internationales en denoncaient le caractère frauduleux. En refusant de servir de caution au forfait, en renoncant a hypothequer l'avenir de nos enfants, nous sauvions notre droit a disposer de notre destin, a continuer de reclamer ce qui nous est dû en vertu d'une charte dont nous sommes signataires.
Que l'on ne se trompe point, le boycott de 87% de la population, n'a jamais signifié ni defaitisme, ni abandon. Bien au contraire, notre refus n'etait rien moins que l'expression de notre volonté de vivre libres. "Le refus est le moteur de l'histoire", disait Camus. A ce titre, c'est un acte de libre volonté. C'est un pas en avant et non en arrière sur le chemin du progres. Le resultat de ce boycott montre a l'evidence l'unité du peuple Libanais et son attachement indefectible aux principes fondateurs de la nation. Qui cherche a l'occulter, a le reduire, a le cantonner a une communauté, participe par la-meme a la denaturation du probleme Libanais, fut-ce pour fuir ses responsabilités, ou pour masquer sa complicité vis-a-vis du complot qui cherche a sacrifier un pays pour un je ne sais quel nouvel ordre au Moyen-Orient.
Mais l'histoire l'a dit: la paix n'est pas le fait d'une diplomatie secrète ou celui d'accords signés sous les feux des medias, la paix est celle conclue entre les peuples, c'est la paix dans la liberté. L'effondrement du sovietisme en est la preuve patente. Le president Wilson n'avait pas tort quand il consacrait le droit fondamental des peuples a disposer d'eux-memes comme la condition inalienable à l'etablissement d'une paix perpetuelle entre les nations.
Je le dis a l'heure ou de grandes democraties occidentales continuent de denigrer la volonté de la majorité du peuple Libanais, s'obstinant a prendre le parti d'un regime desavoué, le regime des 13%. Quand bien même, elle se trompe, est-ce rester fidèle a l'idée-même de democratie que de decrier la majorité et de l'exclure?
A-t-on reproché aux Francais d'avoir, dans leur majorité, desavoué le General De Gaulle en 1968? Et plus recemment leur a-t-on reproché d'avoir manifesté contre le programme des reformes souhaitées par le gouvernement?
Peut-on reprocher au peuple Americain d'avoir marqué sa desapprobation du budget proposé par le President Clinton?
Et ces democraties, auraient-elles accepté pour ells-memes ce a quoi elles nous invitent? La democratie serait-elle selective? Et au nom de quoi ce qui est juste chez les uns ne le serait pas chez les autres? La finalité du droit consiste-t-elle a proteger les peuples contre l'arbitraire ou bien a cautionner leur ecrasement?
Ce n'est pas en nous invitant a participer a des elections qui, si elles etaient tenues dans les conditions prevalantes aujourd'hui, seraient en tout point identiques a celles, frauduleuses tenues en 1992, et sonneraient le glas de toutes possibilités de redressement dans l'avenir; mais c'est en oeuvrant en vue de conformer ces elections aux normes internationalement reconnues que l'ont aura aidé le Liban. Ce qui s'est passé hier en territoire palestinien montre que cela est possible. Des elections supposent une loi electoral, a même d'assurer la juste representativité du peuple ainsi qu'une presence internationale pour veiller au bon deroulement du scrutin. En prendra-t-on de la graine?
J'en appelle a tous: Nous voulons des elections libres. Nous avons ete les premiers a les reclamer de tous nos voeux, deja en 1989. Oui, nous les voulons. Oui, nous y participerons. Oui, nous les gagnerons.
Chers Compatriotes,
Voilà que je reitère mon appel a notre union, au depassement de toutes nos divisions. Ma main est tendue a tous ceux qui veulent s'associer a notre lutte pour la libération de notre pays et son renouveau.
Les temps sont difficiles, certes, mais n'ayez crainte, l'avenir appartient a ceux qui ont su rester fidèles aux idéaux qui les unissent. La victoire est au bout. La victoire, bien sûr.
Vive le Liban, uni, libre et souverain
GENERAL MICHEL AOUN
LA HAUTE MAISON
Paris, le 22 Fevrier 1996
Le Congres National Libanais a tenu ses assises les 17 et 18 Fevrier 1996 à Paris, durant lesquelles il a defini les grandes lignes de sa politique quant aux negotiations de paix en cours, à la situation socio-economique au Liban, aux recents "accords" Libano-Syriens et à l'appel final de l'assemblée speciale du Synode des evêques consacrée au Liban. En outre, le CNL a clarifié sa position par rapport aux prochaines elections legislatives, qu'il s'agisse de participation ou de boycottage. Les participants ont analysé l'evolution de la situation generale au Liban, tant sur le plan interne que sur le plan externe, et ont unaninement reconnu la necessité de poursuivre la politique d'ouverture sur le plan national et de consolider l'union entre tous: partis, communautés et syndicats. A l'issue de ces travaux, le CNL a publié les resolutions suivantes.
En vue d'assurer la participation reelle du Liban aux negotiations de paix, et afin que celles-ci puissent garantir le recouvrement de sa souveraineté, de sa liberté et de son independance, il est de toute necessité de lever les contraintes qui l'empêche d'assumer son rôle de partenaire à part entière dans la conduite des negotiations et l'elaboration des solutions.
Ces contraintes ne sont que la consequence de l'interdiction faite à l'Etat Libanais d'exercer son contrôle sur l'ensemble de son territoir, ainsi que de la mise en place d'un regime entièrement coupé de la population.
Le processus de paix doit être une opportunité en vue du recouvrement de la souveraineté, de la liberté et de l'independance du Liban à travers le retrait de toutes les troupes non Libanaises de son territoire et devra paver la voie au renouveau de son systeme politique. Ceci implique:
- D'oeuvrer en vue de consolider l'unité et l'integrité
de la societé Libanaise.
- De renforcer les relations du CNL aver les centres de decisions internationaux,
et de mettre tout en oeuvre afin de combler l'absence de facto du Liban
de la table des negociations.
A ce propos, le CNL a preparé une initiative de paix à même d'assurer la liberation du Liban et le recouvrement de sa souverainté sur la base des resolutions du Conseil de Securité. Le CNL soumettra ce projet aux Etats-Unis, parrain de la paix au Moyen Orient, afin qu'il soit adopté et executé soit par le biais du Conseil de Securité, soit à travers un accord tripartite Libano-Syro-Israelien, soit par le biais d'une entente non declaré entre les trois parties accompagnée d'une garantie americaine.
Le CNL definit quatre positions fondamentales:
1- La presence des palestiniens au Liban:
Le CNL met en garde contre toute tentatives visant a implanter les palestiniens
au Liban. A cet effet, il demande que leur soit octroyé la nationalité
palestinienne. Partant, ils seront considerés comme des residents
palestiniens au Liban, soumis à ce titre à la legislation
libanaise relative au droit de residence des etrangers sur le sol national.
2- Les eaux du Liban:
Le CNL refuse toute atteinte portée aux eaux libanaises, celles-ci
etant une partie indivisible du patrimoine national. Toute repartition
des ressources hydrauliques entre les pays ou elles puisent leurs sources
et ceux qu'elles traversent, doit être soumise aux legislations du
droit international relatives à cet effet.
3- La resistance:
Le CNL affirme son soutien à toute resistance qui s'emploie a liberer
le territoire sans pour autant occasioner ou cautionner une autre occupation.
Il est en effet urgent de denoncer cette complicité de facto entre
Israel at la Syrie qui apparait clairement dans les negociations en cours,
et qui signifie à la Syrie la possibilité de maintenir son
occupation du Liban en contre partie du controle qu'elle exercerait sur
la resistance du Sud.
4- La bande frontaliere:
Le CNL considere que les habitants de la bande frontaliere du Liban-Sud,
font partie integrante de la nation libanaise. A ce titre, tout ce dont
ils souffrent, affecte le corps libanais dans son ensemble. Le CNL met
en garde les autorités du fait accompli contre toute tentative de
placer le sort de nos compatriotes du Liban-Sud sur la table des negotiations.
S'il est vrai que leur situation geographique est toute particuliere, il
est tout aussi vrai que leurs conditions sont en tout point identiques
à celles du reste du peuple Libanais vivant sous occupation.
Le CNL considère que le marasme economique et la misère sociale qui sevissent au Liban, sont la consequence ineluctable de l'occupation, de la politique de dilapidation des ressources ainsi que l'absence de toute planification. Cela se traduit par:
1- L'aneantissement de la classe moyenne.
2- La stagnation du marché et l'interruption du cycle economique.
3- L'extension de la corruption et la dilapidation du patrimoine national.
4-le desequilibre social qui sacrifie l'homme "au profit de la pierre".
5- Le fait de lier le sort de la "monaie nationale" à
celui d'une personne, plutôt qu'a une vision financière saine.
C'est bien ce qui se produit sous les auspices de la dite "reconstruction", une reconstruction que tout le monde admet dans le principe mais rejette quant à la manière.
Le Congres National Libanais en appelle au peuple Libanais pour s'unir en vue d'arreter le cataclysme social dont seule est responsable l'occupation avec le regime qu'elle a imposée. Pour toutes ces raisons, le CNL declare son soutien à la tenue d'une journée nationale le 29 Fevrier 1996, au nom de la defense de la liberté et du citoyen, menacé dans sa survie et ses droits fondamentaux. Tout comme, le CNL soutient les revendications legitimes du syndicat general des ouvriers et celles de la ligue des professeurs de l'Université Libanaise, du bureau des professeurs, des salariés du secteur public et des anciens fonctionnaires de l'administration publique.
Le CNL invite toutes les associations et tout les syndicats a s'associer à leurs demarches et en appelle aux forces armées Libanaises, ou qu'elles se trouvent, de refuser de devenir, à leur insu, un instrument entre les mains de la mafia et des collaborateurs, et les exhorte a ne pas tourner leurs fusils contre leurs compatriotes si ceux-la venaient a manifester pacifiquement pour defendre leurs droits les plus elementaires.
Sur un autre plan, le CNL denonce vigoureusement l'operation de "nettoyage" du Liban de toutes les traces archeologiques enfouies dans son sous-sol. De ces faits delictuels, les responsables devront en repondre non seulement devant l'histoire et la conscience internationale, mais aussi devant les tribunaux.
Le CNL s'est penché sur l'appel final de l'assemblée speciale du Synode des evêques consacrée au Liban et sur sa possible evolution sous forme d'exhortation papale. C'est pourquoi:
1- Le CNL considère au plus haut point l'appel
final adressé aux Libanais pour:
- Le renouveau spirituel.
- Le depassement des carcaus confessionnels en vue de s'elever vers une
unité dans la diversité tant sur le plan national, qu'ecclesial
et universel.
- L'accomplissement de soi dans la vie politique, consacrant les principes
d'equité et de solidarité.
2- Le CNL appelle à la concretisation de cet engagement sur le plan national, et ce, par le biais de la participation de tous les Libanais à l'edification d'un nouveau Liban, libre de toute occupation, qui deviendrait ainsi l'expression de la volonté libre et responsable de ses citoyens.
Pour avoir eté conclu sous occupation Syrienne, le CNL considere comme nuls et non avenus tous les "accords" signés recemment entre le Liban et la Syrie.
Ces "accords" sont denués de toute forme de legitimité du moment que tout accord suppose une libre volonté des deux parties en dehors de toute contrainte morale ou physique. Par son essence même, toute contrainte resilie l'accord et l'annule. Le CNL rappelle que conformement au droit des peuples à l'autodetermination, des choix d'une telle importance doivent être soumis, par voie de referendum, à l'approbation des deux peuples libanais et syriens.
Faut-il rappeler que le Conseil d'Etat francais considera comme "inexistants" tous les "accords" conclus entre les autorités francaises et le regime nazi au lendemain de la liberation? Le sort des "accords" libano-syriens n'en serait pas different. Toujours est-il que le CNL reitère sa position de principe quant à l'etablissement des meilleurs rapports entre les deux peuples du Liban et de la Syrie conformement aux règles de bon voisinage et sur la base du respect mutuel de la souveraineté des deux pays.
Le CNL a ete le premier a appeler à des elections libres dans le but de recouvrer la volonté nationale et de reconquerir les institutions des mains de l'occupant. A cet effet, il a defini le cadre et les principes de ces elections ainsi que les garanties requises pour leur bonne tenue. Il attend toujours une reponse à cet appel. Notre peuple souhaite participer à cette echeance nationale mais nourrit l'inquietude d'un scrutin frauduleux. Le CNL reaffirme que la volonté du peuple libanais de participer aux elections depend des elements suivants:
1- Le retour de tous les leaders nationaux contraints
à l'exil et leur participation aux campagnes electorales en toute
sécurité et liberté.
2- Confier la securité aux forces armées libanaises affranchies
de toute tutelle exterieure.
3- Une loi electorale equitable qui garantisse l'égalité
entre tous et un système electoral a même d'empecher la fraude,
etablis et controlés par un gouvernement transitoire de reconciliation
nationale, representant toutes les parties.
4- La liberté et l'egalité entre tous les candidats durant
les campagnes electorales notamment en manière d'utilisation des
medias. A cet effet, le CNL reaffirme son attachement à la liberté
d'expression et d'opinion. Il souligne par ailleurs son opposition au projet
de l'"organisation de la communication audiovisuelle". 5- Un
controle international des elections assisté par les organisations
libanaises non gouvernementales specialisées.
6- Assurer le droit de vote des libanais residant à l'etranger.
Enfin, le Liban sera au rendez-vous de cette echeance nationale en vue de recouvrer son droit de disposer de son destin. Il votera, soit en recourant aux urnes soit en les boycottant. Sa decision finale quant à la forme de participation, sera annoncée lors du prochain congres qui se tiendra à Beyrouth.